Découverte d'anciennes éditions du Syllabaire

Octobre 2019

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Depuis des décennies, les chercheurs lasalliens désespéraient de trouver un exemplaire conforme au Syllabaire françois qu’avait fait imprimer « le Supérieur des Écoles Chrétiennes chez Jacques Langlois à Paris en 1698 sans permission, en 72 p. in-16  ➀. » (Cf. Poutet, CL 48, p. 111-113  ➁).

Ce Syllabaire et son emploi sont décrits dans la Conduite des Écoles Chrétiennes,  ➂ qui a été rédigée après un « grand nombre de conférences avec les Frères les plus expérimentés et les plus capables de bien faire l’école, et après une expérience de plusieurs années » (Préface, dès l’édition manuscrite dite de 1704-1706 ; l’édition imprimée de 1720 précise : « et mise en ordre par feu Mr de la Salle »).

Le Chapitre général de 1745 décida : « On se servira du syllabaire de M. de La Salle dans les Ecoles. » (CL 48, 102).

Histoire d'une découverte

Jusqu’à présent, on n’avait trouvé aucun Syllabaire à l’usage des Écoles chrétiennes, qui soit antérieur à la Révolution, et aucun qui corresponde exactement à la description qu’en donne la Conduite : « rempli de toutes sortes de syllabes françoises à 2, à 3, 4, 5, 6 et à 7 lettres, & de quelques mots pour faciliter la prononciation des syllabes » et sans latin.
Les exemplaires consultables du Syllabaire des Frères dataient d’après 1800 et comportaient des textes latins, au moins ceux du Pater Noster et de l’Ave Maria.

Le syllabaire de 1770 : page de garde

Un étudiant en Histoire, à Lyon, M. Étienne Mottin-Struye, qui travaille sous la direction du professeur Hours, a réussi là où le Frère Poutet avait échoué en 1988. Il a mis au jour deux éditions du Syllabaire à l’usage des Écoles chrétiennes :

  • l'une, de 1770, dans une exposition du musée de l’éducation à Rouen,
  • l'autre, de 1776, conservé aux Archives d'État à Fribourg.

Le syllabaire de 1770 en 46 pages

L'édition de 1770 adapte le Syllabaire de 1698 en 46 pages à un format plus grand (in-8° probablement  ➃) et reproduit, en fin de volume, l’approbation du 26 décembre 1702 d’Ellies Dupin.  ➄

L'approbation du syllabaire

Bravo pour cette trouvaille et la persévérance dans la recherche qu’elle suppose !

Le haut des pages 20 et 21 du syllabaire

Un outil pour apprendre le français de la bonne société

En famille, les enfants parlent souvent un patois ou utilisent une prononciation fautive de certains mots. Des prescriptions figurent à ce propos dans la Conduite : faire répéter correctement un enfant qui dit “semblabe” au lieu de “semblable”, ou qui épèle les syllabes en traînant, « ce qui est très désagréable ».

Dans les Règles de la Bienséance et de la Civilité chrétiennes (RB)  ➅, on trouve des explications sur le type de langage auquel on veut former le jeune (et peut-être aussi le Frère !), pour qu’il puisse se comporter de la manière qui convient envers des gens qui sont bien « au-dessus de lui » dans la société de l’époque :
- « Un paysan doit rendre extérieurement plus d’honneur à son seigneur qu’un artisan qui ne dépendrait pas de lui » ;
- « quand on écrit à Monsieur le Conseiller du Roi »... ;
- « quand on écrit à quelqu’un en réponse à une lettre apportée par son laquais »... ;
- « Lorsqu’on écrit à des personnes d’une qualité éminente ».

Noter l’expression péjorative de l’incise suivante : « Il est contre la bienséance, et cela “sent le paysan”, de présenter à boire à ceux qui nous rendent visite et de les y exciter… »

Revenons à la prononciation...

Il faut s’exprimer de manière à se faire comprendre et de manière agréable à entendre : « Il y en a qui prononcent d’une manière molle, lente et même languissante ; les gens qui prononcent ainsi sont très désagréables, et il semble qu’ils aient toujours à se plaindre en parlant. »

La pronociation en détail

Le Syllabaire est utilisé dans la petite classe, « au moins pendant un mois » par des élèves qui ont déjà appris sur un tableau à reconnaître les lettres (majuscules et minuscules imprimées) et avant d’utiliser un livre de lecture en français. Son utilisation entre donc dans un processus d’acquisition de la lecture en français. Ce n’est qu’après avoir appris à lire parfaitement le français, que les élèves des Frères apprendront à lire en latin. Le maître doit être capable de les mener jusque-là.

Un “traité de la prononciation”

« Il faudra que chaque maître sache parfaitement le “traité de la prononciation” » ; « ainsi qu’il est marqué sur la fin du “traité de la prononciation”. » La Conduite parle deux fois du “Traité de la prononciation”, mais ne le fournit pas. M. Mottin-Struye a trouvé un tel traité : une grammaire de Jean Hindret  ➆, L’Art de bien prononcer et de bien parler la langue franc̜oise [...], publié à Paris chez Laurent d’Houry en 1687.

Le traité de la prononciation

Cerise sur le gâteau, cet étudiant nous a fait encore découvrir deux éditions anciennes des Règles de la Bienséance et de la Civilité chrétiennes que le Frère Maurice-Auguste trouvait mal attestées.

Merci pour ces contributions, à verser aux réalisations de l'année 2019, pour le tricentenaire de la mort du Fondateur des Frères.

Frère Alain Houry, archiviste

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