Dans les Pensionnats des XIXe et XXe siècles, en France, les temps passés en famille étaient rares pour tous, voire inexistants pour les orphelins. Il fallait donc occuper de façon éducative et ludique, les périodes pendant lesquelles s’interrompait le travail scolaire ou l’apprentissage professionnel.
C’est ainsi que des internes, même de milieux très modestes, peuvent être initiés aux sports de compétition juvénile, à la peinture, à la musique instrumentale… Les Pensionnats des Frères ont misé sur la valeur éducative de ces activités.
Une fanfare, non seulement offre un exutoire aux ardeurs juvéniles et permet la découverte de talents musicaux, mais représente aussi une occasion de faire sortir les jeunes de leur milieu pour rehausser des cérémonies et contribuer ainsi au renom de leur établissement. À la qualité de l’interprétation doit s’ajouter la parfaite tenue de chacun. Pas de rivalité entre membres de la fanfare, cependant : c’est l’ensemble qui porte témoignage de la qualité de la formation.
En 1827, l’abbé de Bervanger avait créé à Paris un internat primaire et professionnel pour des jeunes pauvres et délaissés. Mais il lui manquait un encadrement et une démarche éducative assurée. L’Œuvre Saint-Nicolas risquait de disparaître, et quantité de jeunes orphelins de se retrouver à la rue sans formation.
En 1859, à la demande du Cardinal de Paris, les Frères viennent prendre la direction des écoles Saint-Nicolas,
En 1861, s’ajoute aux Saint-Nicolas la maison d’Igny (Essonne), dans la vallée de la Bièvre.
Puis viendra Saint-Nicolas de Buzenval à Rueil (aujourd'hui Rueil-Malmaison, Hauts-de-Seine).
Grâce au tact des Frères Directeurs et au zèle des Frères qui sont présents à leurs élèves en classe, sur la cour et au dortoir, les "Saint-Nicolas" se développent : en 1870, on dénombre 870 élèves à Paris, 886 à Issy et 73 à Igny.
L’Œuvre Saint-Nicolas, reconnue d’utilité publique, assure le fonctionnement financier de l’ensemble : la pension demandée est alors presque symbolique (30 francs par mois). Des dons et legs permettent de développer bâtiments et équipements.
Dès l’époque Bervanger, la musique est en honneur à Saint-Nicolas : chaque maison possède son « Harmonie » et une rivalité féconde s’établit entre elles.
François Nicolini (dit Nicodami), enfant sans famille, est longtemps élève de Saint-Nicolas : doué d’un remarquable talent musical que les leçons reçues rue de Vaugirard développent, il devient professeur au Conservatoire et se crée une situation importante. Un legs témoigne de sa reconnaissance envers l’Œuvre Saint-Nicolas.
Un autre ancien de Saint-Nicolas est un musicien encore connu. Louis Ganne (1862-1923) choisit à 7 ans d’aller à Saint-Nicolas d’Issy après avoir croisé la fanfare de l’établissement : il y développe ses talents musicaux en 1869-1877 et y assurera des cours de musique. Il aura une carrière brillante dont témoigne l’article que Wikipédia lui consacre.
Une fanfare n’est pas un orchestre complet. Conçu pour jouer en marchant, l’ensemble instrumental appelé "fanfare" ne comporte que des cuivres et des percussions.
Des dons ont permis de mettre un nombre suffisant d’instruments de musique à la disposition des élèves : chacun prend un soin jaloux de l’instrument qui lui est confié et le maître de musique en vérifie régulièrement le bon état : il s’agit que les promotions suivantes puissent apprendre à leur tour.
À l’uniforme des Saint-Nicolas s’ajoute, pour les sorties de la fanfare, une casquette avec plumet, dont un exemplaire a été confié par un ancien d’Igny aux Archives lasalliennes.
Les lettres S et N sont entre-entrelacées sur le devant de la casquette.
Sans doute, pour ce fier couvre-chef, s’est-on inspiré de ce que portaient les musiciens militaires dans leurs fonctions publiques.
Frère Alain Houry
Documents du mois déjà publiésCes deux photos donnent une bonne appréciation de l'importance des fanfares et du grand nombre de jeunes qui y participent.
Ci-dessus, la fanfare d'Issy-les-Moulineaux, photographiée en 1910 ; ci-dessous, celle d'Igny, en 1906.