Le Frère Gabriel Boile est décoré de la Médaille des Justes

Novembre 2014

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La médaille du Juste

Le 29 avril 2013, Madame Irena Steinfeldt, Directrice du département des Justes parmi les Nations, à Jérusalem, annonçait :

« Yad Vashem a décerné le titre de "Juste parmi les Nations" à Gabriel Boile, pour avoir aidé, à ses risques et périls, des Juifs pourchassés pendant l’Occupation. […]

Son nom sera gravé sur le Mur d’Honneur dans le Jardin des Justes parmi les Nations à Yad Vashem, Jérusalem.

La coordination de la cérémonie de la remise de la Médaille sera assurée par le Comité Français pour Yad Vashem à Paris. »

Frère Gabriel Boile (1901-1980

Directeur de l'école Saint-Louis à Saint-Étienne, 1937-1943

Né le 28 juin 1901 à Montpensier près d’Aigueperse, dans le Puy-de-Dôme, Gabriel Boile a fait son noviciat à Caluire en 1918 et est devenu le Frère Philibert-Sylvain.

Frère BoileIl a 36 ans quand il prend la direction de Pensionnat Saint-Louis.
En 1942, la communauté compte 16 Frères, l’école plus de 25 maîtres laïcs, mais combien étaient au courant de certaines activités de leur Frère Directeur ?

Le Frère Boile, en effet, accueille et héberge au Pensionnat des enfants de familles de résistants et de Juifs, sans se soucier des risques courus. Il fournit de faux papiers à des résistants : pour cela, il est dénoncé, arrêté et emprisonné plus de 6 mois au Fort Montluc de Lyon. Il en revient atteint d’une surdité due aux tortures psychologiques et physiques auxquelles il a été soumis. Ce sera un arrachement de devoir quitter Saint-Étienne pour Grenoble.

Taciturne à cause de sa surdité, le Frère Boile ne parle guère de son action pendant la guerre. En 1970, il prend sa retraite à Caluire, où il décède le 24 décembre 1980.

C’est donc 70 ans après sa détention que la médaille des Justes a été accordée… à son souvenir.

Une qualité d’écoute remarquable

C’est là où ont été cachés ces Juifs, à Saint-Louis de Saint-Étienne, que la cérémonie s’est déroulée le 30 septembre 2014, de 16 à 17 h 15,

Les jeunes

en présence de 800 élèves, du CM à la Terminale, assis sur le sol du gymnase, et d’une soixantaine d’officiels et d’amis de l’établissement, dont un représentant de l’ambassade d’Israël, de deux nièces du Frère Boile et de cinq Frères des Écoles chrétiennes. La déléguée régionale de Yad Vashem et le chef d’établissement avaient minutieusement organisé la cérémonie.

Tous les participants ont noté la tenue exemplaire et l’attention soutenue des élèves qui avaient été bien préparés par leurs professeurs d’histoire. Et aussi la qualité des interventions, dont celle du Frère Jean-Paul Aleth, Visiteur du District de France, venu exprès de Paris.

Le récit de la vie et du sauvetage du jeune Bernard HOCHMAN, dialogué par deux élèves, a été écouté dans un silence impressionnant.

70 ans après, l’émotion n’est pas loin et l’interrogation personnelle, perceptible : que faire pour que la folie nazie ne renaisse pas un jour ?

La plaque commémorative

Les Frères Gabriel Boile, Lucien Cherpin et Jean Peyer

Frère PeyerAprès la cérémonie de Yad Vashem, le Frère Visiteur a dévoilé, dans le hall d’entrée, une plaque à la mémoire des responsables du Pensionnat pendant la guerre – les Frères Gabriel BOILE, Lucien CHERPIN et Jean PEYER – qui ont partagé les mêmes risques pour éviter la déportation et la mort à des Juifs : 16 jeunes, une famille et 2 professeurs.

Monsieur Bernard HOCHMAN a été caché
de 1941 à 1943 au Pensionnat Saint-Louis, sous le nom de Bernard HOCHIER, quand il avait de 7 à 9 ans.

Depuis 2009, il travaille à faire reconnaître l’action, à Saint-Étienne, de ceux à qui il doit d’être vivant aujourd’hui. Deux de ses camarades juifs de la même classe d’alors sont aussi venus à la cérémonie.

Frère CherpinLa joie aurait été encore plus grande encore si le Frère CHERPIN, responsable de la division des petits (école et collège), et donc plus proche des jeunes élèves, avait reçu une reconnaissance analogue .
Un dossier est monté pour que ce Frère soit reconnu Gardien de la Vie, puisque les critères de Yad Vashem ne prennent en compte qu’un chef d’établissement quand il s’agit d’une institution.

En 2012, le Frère Alphonse PONCIER (Thonon-les-Bains, 74) a été reconnu Gardien de la Vie par la communauté juive de France.

Ce n’est pas pour une décoration… !

Frère Gabriel BOILE (Saint-Étienne, 42) vient donc rejoindre, en 2014, trois autres Frères reconnus Justes parmi les nations :

  • Claudius MAGNIN (La Motte-Servolex, 73, en 2004),
  • Marcel GENESTIER (Pontgibaud, 63, en 2001),
  • et Marcel GALLON (Angoustrine, 66, en 1987 – le seul qui l’ait reçue de son vivant).

Combien d’autres auraient mérité la même reconnaissance !

Grâce à une enquête d’avril 1945, conservée dans nos archives, nous savons que 77 Frères en France, durant la période de la Guerre et de l’Occupation, ont pris le risque de cacher ou de faire passer en pays neutre, au total 151 élèves et 105 adultes Juifs, dont 36 accueillis comme professeurs.

Nous avons le nom des Frères et celui de la plupart des Juifs.

On sait par ailleurs qu’à Rome, les Frères ont contribué, avec tant de communautés religieuses et de paroisses, à cacher, et à sauver de la rafle des Juifs, près de la moitié des habitants du ghetto.

Les enquêteurs de Yad Vashem cherchent à savoir ce qui a poussé des gens à protéger, au risque de leur vie, des Juifs que recherchaient la Milice ou les Occupants : volonté de s’opposer à l’action inhumaine des Nazis, amour du peuple juif ou amitié pour une famille juive, charité chrétienne envers les persécutés ? Les intéressés ne se sont pas exprimés.

Plus d’une fois, ceux que l’on a voulu faire reconnaître comme Justes ont refusé : "Ce que nous avons fait, c’était normal et non pas héroïque", s’est expliqué un jour le Frère Yzombard, Directeur d'école à Cavaillon.

Frère Alain Houry

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