De 1958 à 1966, la couverture du Bulletin des Frères des Écoles chrétiennes s’ornait d’un « écusson bleu avec trois chevrons brisés d’or », avec cette devise latine : Indivisa Manent.
Une curieuse légende dont les La Salle de Reims aimaient particulièrement à se prévaloir, nous explique le Bulletin de 1923, représente un Joan Salla, guerrier catalan, chef des armées du roi d’Oviedo, Alphonse le Chaste, mourant à côté de son roi, les deux jambes brisées par un éclat de pierre.
Les héraldistes y voient des fléaux à blé, plus que des chevrons.
Soyons clairs : aucune parenté avec ce catalan n’est prouvée pour les La Salle de Reims. Les travaux du Frère Aroz sont formels : aucun document authentique ne permet de faire le lien entre les Salla et les de La Salle de Reims.
Depuis le milieu du XIXe siècle, bien des auteurs ont ainsi reproduit des armoiries de nobles portant le nom de La Salle, en les présentant comme celles du Fondateur des Frères.
Il y a eu, en 1892, la création d’un blason, s’appuyant sur les armes d’un duc (couronne ducale, tours), qui a voulu exprimer, par le chapeau et les glands, que Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719) a été Supérieur d’un Institut religieux.
La phrase en-dessous pourrait se traduire :Qu’ils soient tous liés loin du mal (du moins si ligat peut être un pluriel).
Invention significative, mais invention quand même !
Plus proche de saint Jean-Baptiste de La Salle se présente un type d’armoiries qui « a été gravé sur le calice et le plateau des burettes qui ont servi à la première messe du jeune chanoine Jean-Baptiste de La Salle », affirme le Frère Lucard dans sa vie du Fondateur des Frères (1876).
Ces deux précieux souvenirs font partie du trésor de la cathédrale de Reims, explique le Bulletin des Frères (1923)… Ces armoiries sont à peine discernables sur ces objets liturgiques et rien ne prouve que le jeune chanoine ait utilisé ce calice et ces burettes. Personne n’a été capable d’identifier l’écusson qui voisine avec celui des La Salle.
Louis de La Salle (1636-1698), dont le titre de noblesse et l’écusson ont été reconnus en 1697, est un cousin germain du père du Fondateur, un autre Louis de La Salle (1625-1672). Ce dernier avait-il des armoiries ? Bourgeois, et non noble, il aurait pu en avoir, à condition de ne pas reprendre des armoiries existantes et de payer un droit.
Lors des funérailles de Louis de La Salle, père de Jean-Baptiste, un dénommé Petit, peintre et vitrier, reçoit « 18 £ pour des armoiries faites pour les enterrement et service dudit sieur de La Salle » (Comptes de tutelle, I pp. 113-114 : CL 29). S’agit-il des armoiries de sa charge, « conseiller du Roi au Siège Royal et Présidial de Reims » (Acte de décès, CL 41-1 p. 165), charge non anoblissante ?
Il y avait de nombreux personnages bien placés dans la ville de Reims qui portaient le nom de La Salle.
Certains avaient des armoiries.
Mais pas Jean-Baptiste de La Salle.
Frère Alain Houry
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