Brüder der Christlichen Schulen

Février 2024

Tous les documents publiés

Sollicités par l’Église catholique d’Allemagne, les Frères y ont ouvert leur première communauté en 1850. Rapidement, les Frères allemands vont essaimer dans toute l’Europe centrale fondant ainsi la vaste région lasallienne actuelle réunissant Autriche, Hongrie, Slovaquie et Roumanie. À partir de 1871, les Frères vont être rattrapés par les guerres et les persécutions qui s’enchainent jusqu’en 1945, faisant d’eux des rescapés des grands déchirements de l’Europe, témoins de ses ruines et de ses reconstructions.

Maisons du district d'Allemagne

1850-1879 : dispersion du district
Coblence (1850-1879) - Kemperhof (1850-1879) - Burtscheid (1857-1873) – Krefeld (1857)

1879-1919 : diaspora et guerre
Longuyon (F) (1879-1881) – Henri-Chapelle (B) - Carlsbourg (B) (1884-1898) - Grand-Halleux (B) (1898-1919) – Guénange (F) (Oberginningen) école et noviciat (1902-1918) - Vunapope (îles Bismarck) (1914-1921) - Sterpenich (B) petit noviciat (1905 –1919) - Montigny-les-Metz  (F) scolasticat (1909 – 1919) - Hambourg  école paroissiale (1911 – 1980) – Bettange-sur-Mess (L)  noviciat – Metz (F) école communale (1871-1919)

1919 -1938 : dispersion du district
Waldernbach (Westerwald) - Trèves – Munich (1919-1920) – Cochem – Bruschsaal - Klein-Neudorf – Dietenheim – Boppard - Bitbourg (1921 -1938)  - Juliusbourg (1922 -1937) - Erfurt (1924 -1936) - Meersbourg (1925 -1936) - Illertissen (1923-1937) - Kirnach-Villingen (Maria-Tann, 1919 – 1939) - Honnef (1927- 1941) - Drognens (CH) - Knutwil (CH) (1926-1979)

1938 - 1945 : diaspora et guerre
Hambourg – Bruckhof (Illertissen) - Kirnach

1945-1994 : puis district d'Europe Centrale
Hambourg – Honnef – Illertissen - Kirnach-Villigen  - Offenbourg - Bitbourg - Knutwil (CH)

Implantations des maisons des Frères

Fermeture progressive des communautés jusqu’en 2012 qui marque la fin de la présence des Frères en Allemagne.

Première fondation

Sur fond de rivalité entre la Prusse et l’Autriche pour l’unification de l’Allemagne (1848-1871) et de prééminence du protestantisme, le pays connaît un certain rayonnement catholique qui s’exprime principalement dans les territoires de Rhénanie, du Bade-Wurtemberg et de la Bavière. Les élites catholiques font appel aux Frères tout autant pour éduquer leurs enfants dans des branches professionnelles que pour tenir des orphelinats.

Entre 1850 et 1871, le succès est au rendez-vous et le développement rapide : les Frères ouvrent des cours du soir, des écoles du dimanche, un internat et une école gratuite.

L’orphelinat de Kemperhof, dans la cité catholique de Coblence, bénéficiera jusqu’au bout de l’appui de la princesse Augusta, cette future impératrice d’Allemagne, francophile et protestante, que détestera Bismarck (ministre de 1862 à 1890).  
En 1857, les Frères poursuivent leur implantation dans l’Autriche catholique, à Vienne et dans ses faubourgs. Puis, en 1861, ils ouvrent une école à Bucarest, éphémère fondation en Roumanie. 
Allemagne et Autriche formeront une seule province lasallienne jusqu’en 1910.
En 1914, le district autrichien anime quant à lui, 13 maisons (dont 7 à Vienne), et 14 autres dans les pays limitrophes. 

St Joseph Strebersdorf

Kulturkampf et guerre

En marche vers la création d’un empire allemand unifié, Bismarck sème des guerres éclair avec ses voisins dont l’Autriche (1866) et la France (1871). Développant un nationalisme totalitaire destiné à donner corps à cette patrie naissante, le nouveau gouvernement impérial cherche à éteindre toute divergence culturelle ou religieuse. Un ensemble de lois sont votées entre 1871 et 1878 pour contrer, entre autre, l’influence catholique considérée comme un danger pour l’unité de l’empire. Cette politique de répression qui se structure peu à peu se fonde à partir de 1873 sur une idéologie d’emprunt dénommée le Kulturkampf (« combat pour la civilisation ») et qui sévira jusque dans les années 1880.

Arrestations et expulsions de religieux s’enchainent alors.

Les écoles tenues par les Frères en Rhénanie sont progressivement fermées.
► Les écoles tenues par les Frères en Lorraine désormais annexée sont fermées en 1874.  
En mai 1879, les Frères doivent quitter l’Allemagne.

Sur 220 Frères en exercice, un quart d’entre eux sont orientés vers l’Amérique du Nord et un autre quart se répartit entre l’Autriche et divers établissements demandant des Frères germanophones à l’unité.  Une soixantaine de Frères tentent une éphémère implantation en Belgique qu’un accès d’anticléricalisme interrompt aussitôt. De même en France où l’esprit revanchard les expulse de Longuyon en 1881. Dans cette errance qui dure, un quart des Frères quitte la congrégation.

Les changements politiques rendent la Belgique suffisamment accueillante à partir de 1884 (Carlsbourg) pour qu’enfin, les Frères allemands envisagent et puissent ouvrir à Grand-Halleux, en 1898, un pensionnat autonome, le Johanninum, promis à un bel avenir… jusqu’en 1918. 

Pays d'accueil des Frères
L'établissement de Guénange

Après des pourparlers entre l’évêché, le gouvernement d’Alsace-Lorraine et le Frère Supérieur de l’Institut, un accord est signé le 31 mars 1902 pour qu’une communauté de Frères s’implante à Guénange, en Lorraine. Le Frère Philippe Niedère (1862-1936) en est le directeur. Il parle français, anglais et allemand à la perfection et est le grand bâtisseur de l’ensemble qui constitue le centre de Guénange jusqu’en 1951. Le hall de gymnastique est inauguré le 15 juin 1913, le jour du jubilé des 25 ans de règne de Guillaume II. Le nombre de jeunes avoisine 250 et jusqu’à 300 au début de la guerre. Le gouvernement verse 240 marks par an pour ses pupilles ; les autres paient une pension et 40 enfants sont totalement à la charge des Frères.

À la fin de la première guerre mondiale, la Moselle redevient française. Les Frères allemands, leurs contremaîtres et les élèves quittent le pays.

Les passions nationalistes, au diapason des bruits de bottes, n’ont sans doute pas épargné les religieux.
Nous possédons le témoignage d’une rare communauté mixte : celle de Sofia en Bulgarie où Frères français et austro-allemands animent des sections franco et germanophones dans le même établissement jusque fin 1915… on se froisse à fleuret moucheté… et on se serre les coudes au nom de l’évangile… et de la réputation d’un établissement protégé par les autorités de chacun des deux pays… qui y passent régulièrement… en évitant de se croiser !

Seule une demi-douzaine de Frères, exilés en 1879, retrouveront la terre natale en 1919.

Seconde fondation

Côté autrichien, la Grande Guerre a mobilisé environ 200 Frères. Quelques écoles, hors zones de feu, ont pu survivre avec le renfort de Frères allemands venus de Belgique ou des Frères italiens prisonniers des allemands et réquisitionnés. L’occupation russe provoque des fermetures de classes, des destructions de bâtiments et des internements de Frères autrichiens et allemands en Hongrie et en Roumanie.

La guerre a causé le décès d’une quinzaine de Frères allemands et autrichiens. Elle a entrainé la perte de presque tous les établissements d’Allemagne. Les traités de paix provoquent le transfert des œuvres fondées par le district d’Autriche-Hongrie dans les divers pays d’Europe Centrale reconfigurés en conséquences. Le district de Reims reprend les établissements lorrains (Metz, Montigny, Guénange).

Un frère accueille des enfants

Sitôt après l’armistice, les Frères allemands issus des divers noviciats en exil, se regroupent autour de leur visiteur, le Frère Philippe Niedère (visitorat de 1919 à 1925), et entament une première refondation de leur district, seule l’école paroissiale de Hambourg ayant traversé les épreuves avec l’appui de la population. 

Maria Tann

En quelques années, les Frères reprennent ou fondent deux écoles commerciales, trois lycées, quatre écoles dites « de redressement » dont une en Suisse (Knutwil), et deux maisons familiales. Près d’Ulm, ils ouvrent un lycée à Dietenheim transféré à Illertissen en Bavière en 1925. La maison provinciale avec son noviciat est ouverte à Kirnach-Villingen (Maria Tann) dès 1919 et le scolasticat fixé un temps à Boppard.

Dans l'entre-deux guerres, les provinces catholiques d'Allemagne constituent un vivier de vocations missionnaires. La Westphalie, entre autres, cette "Bretagne germanique" (Montalembert), va contribuer au succès du noviciat apostolique de Saint-Maurice-l'Exil (France, Isère) au grand désarroi du clergé allemand qui, voyant partir ces forces vives, réclame l'arrêt de ce "débauchage".

L’horizon politique s’obscurcit en 1933 avec la prise de pouvoir par le parti national-socialiste qui veut avoir la mainmise sur la jeunesse allemande, réprime toutes les oppositions et exerce des violences antisémites de plus en plus intenses.

Les critiques émises par l’épiscopat allemand, dès les années 1930, alimentent une propagande contre le christianisme (« sous-produit du judaïsme »). La condamnation explicite de l’idéologie nazie prononcée par le pape Pie XI dans l’encyclique Mit brennender Sorge lue dans toutes les paroisses d’Allemagne en mars 1937 accélère la persécution contre les catholiques. Pris entre plusieurs feux - menace communiste, crise économique, propagande nationaliste et anti chrétienne etc. - ceux-ci font majoritairement le choix de la prudence et du silence. Dans la résistance allemande au nazisme ayant pu se manifester au cœur d’une répression sans pitié, nombreux ont été les chrétiens dont des clercs et des religieux, le plus souvent ceux parmi les plus proches de la population.

À partir de 1936, la fermeture des écoles et des maisons de formation entraîne un nouvel exode des Frères : durant les 5 années de guerre, plus de la moitié des 400 Frères du district sont en diaspora et un tiers sont mobilisés. Une cinquantaine de Frères vivent sur le territoire dans la précarité économique et l’insécurité.
À l’issue du conflit, les Frères se regroupent peu à peu (120 en 1948) sur un territoire en ruine, haché par les zones d’occupation où chacun cherche à retrouver les membres de sa famille et ses biens.

Parmi les Frères mobilisés,

  • une trentaine sont tombés sur le front,
  • 80 sont en captivité dans divers pays alliés ou disparus,
  • la plupart des survivants ont quitté l’Institut entre 1940 et 1949
Encyclique de Pie XI

Le cas du Frère Jean Schmitt (1896-1962), visiteur de 1936 à 1940 puis mobilisé, est bien connu dans les annales de la ville de Troyes : lieutenant attaché à la kommandantur, « le Bon Dieu de Troyes » fera son possible pendant l’occupation pour protéger la population des sévices des nazis, subtilisant des dossiers ou négociant auprès de ses chefs, sans toutefois jamais avoir pu contrer la Gestapo.

Lettre du Frère Visiteur
Une école de Budapest
Recherche dans ls ruines

Ultime refondation

Les Frères font appel à la solidarité de l’Institut, ici pour faire libérer des Frères ou des proches incarcérés par les alliés, là pour une aide alimentaire, ou encore pour des appuis financiers nécessaires au rachat des bâtiments scolaires ou communautaires spoliés.

En 1950, 10 communautés reprennent vie et les 115 Frères animent deux écoles professionnelles (Honnef et Bitburg), la maison de Knutwil (CH), une école primaire (Hamburg) et une école secondaire avec internat (Illertissen), tandis qu’ils animent la catéchèse dans les écoles d’Offenburg. 

Le climat sociétal est devenu compliqué, les nouvelles vocations sont rares et les communautés s’éteignent progressivement jusqu’à la fermeture de la dernière d’entre elle en 2012. 

Illertissen
École professionnelle d'Honnef
Maison de Knutwil


Dans ce parcours de 160 ans semé d’obstacles, quelque 1 900 Frères ont su passer le témoin de l’évangile envers et contre tout en s’appuyant sur la force d’une Institution multiculturelle qui a su - le plus souvent - surmonter les rivalités nationalistes et faire preuve de solidarité.
Cet entêtement à se relever est un témoignage de foi.

Bruno Mellet