L'archéologie au service de l'éducation

Juillet-Août 2023

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Les histoires du village médiéval de Montchauvet (Haute-Loire) et du village préhistorique de Cambous (Hérault) commencent dans les années 1960 par les récits de leur découverte par des Frères des Écoles chrétiennes passionnés de sciences et d’histoire. Elles se prolongent par trente années de fouilles, parfois téméraires, menées avec leurs élèves au sein des clubs archéologiques de leurs collèges de Paris et de Montpellier.

Les camps archéologiques de Montchauvet (étés 1966 – 1994)

Durant l’été 1965, le Frère Joseph Fabre (1921-2003) prospecte, avec deux collègues, ce pays sauguain dont il est originaire, à la recherche d’un site archéologique d’intérêt à explorer. Le massif de la Margeride est riche en ruines médiévales, fonds de cabanes, dolmens et autres pierres à cupules. Le site de Montchauvet situé à 1250 m d’altitude va être choisi comme terrain de fouilles de par l’importance de ses constructions rassemblant, au gré des sondages menés sur 5 hectares, une cinquantaine de foyers en une petite agglomération autrefois dominée par un fort et en partie ceinte d’une structure de défense bien marquée. L’ensemble, très remanié et enfoui sous une végétation coriace, est entièrement à défricher et à déchiffrer !

Ainsi prends corps le projet d’un camp d’été associant des grands jeunes, anciens élèves du collège Notre-Dame de la Gare à Paris où œuvre le Frère Fabre comme professeur de lettres et d’histoire depuis 1960.

Frères Joseph Fabre et Emmanuel Grandin
Tamisage de la terre des fouilles

Dès lors le Frère Fabre étoffe sa culture préhistorique, celtique et gallo-romaine en lien avec la Société Préhistorique française et l’EPHE et cultive son réseau d’universitaires archéologues. Fort des autorisations administratives et de la bienveillance des propriétaires des terrains, le chantier estival prend de l’ampleur en bénéficiant de la réfection du sentier d’accès et d’un logis collectif dans une ancienne ferme proche (1968). 

Des Frrèes en visite des fouilles
Restauration de parties de murs découverts
Temps de pause
Un groupe de visiteurs
Une partie du site

Le chantier s’avère souvent ingrat, travail de « terrassier et de bucheron », dont l’objectif est de restaurer et réparer ce qui peut l’être tout en escomptant quelques artefacts d’intérêt issus du tamisage des volumineux remblayages. Fragments de poteries, fers à chevaux, clous et monnaies, éléments d’outillage agricole, meules à grains et outils à filer, sont autant de clés de lecture, avec les pierres taillées aux diverses fonctions symboliques, pour tenter de décrypter l’histoire du site : site néolithique ? Village fortifié gallo-romain ? Village du haut moyen-âge (400-1000) ? Antique Saugues ? Village refuge du XVIe siècle ? Cabanes de bucherons du XIXe siècle ? Carrière de pierre… Un peu de tout cela : un long temps d’occupation humaine, avec des phases d’abandon, une période de développement plus marquée entre le Xe et le XIIIe siècle et un moment féodal avec une seigneurie de Servières-Montchauvet. 

Une partie du site de Montchauvet

Les premières conclusions sont publiées en 1972 et le site sera inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en juillet 1989 comme « village médiéval déserté de Montchauvet ».

Les travaux de recherche et d’exposition au public ont été progressivement confiés à des universitaires et des bénévoles locaux en 1976 (association « Club Archéologique de Montchauvet ») puis en 1996 avec l’association « Montchauvet Archéologie et Patrimoine ». Cette dernière porte actuellement des projets de rachat des parcelles de fouilles et de valorisation scientifique et pédagogique des résultats de 30 années de passion archéologique partagée.

Conférence par le Frère Fabre
Exposition des découvertes dans le musée voisin

Fouilles archéologiques scolaires et universitaires à Cambous (1967-2001)

C’est en 1967 que le Frère Henri Canet (1919-2005), en communauté à Montpellier, découvre le village néolithique de Cambous - il en est l’inventeur - … et le sauve par la même occasion de sa destruction par un chantier public programmé. Frère Henri est un instituteur passionné depuis longtemps par les sciences naturelles. Ce membre et correspondant de diverses sociétés d’horticulture et de botanique s’est construit une réelle expertise entre autres en herborisant dans toute la région où il a pu exercer un sens aigu de l’observation du terrain.

Frère Henri Canet

Le site de Cambous, situé sur la commune de Viols-en-Laval, va s’avérer être parmi les plus vieux villages néolithiques de France, l’un des mieux conservés. Il se rattache aux villages de la culture de Fontbouisse (2500 B.C.), caractérisée dans les années 1940 sur une aire Nord-Hérault / Gard / Sud Ardèche.
Un peuplement sédentaire de «  pasteurs des plateaux  » pratique alors le petit élevage, la culture des céréales, et maitrise la métallurgie du cuivre cévenol. Surtout, il construit son habitat en dur - fait rare dans le midi méditerranéen - et un habitat qui va traverser, à Cambous, 4 000 ans à l’abri d’une garrigue préservée de tout remaniement destructeur. 

Détail du site : l'entrée d'un tombeau
Plan global du site des fouilles
Vue aérienne du site de Cambous
La grande cabane
Cabanes restaurées

Musée archéo de Les Matelles 2019.
Reconstitution par Jacques Coularou, d'après les fouilles de Henri Canet et de Jean-Louis Roudil, du village néolithique de Cambous.

Là aussi, en une trentaine d’années, les fouilles permettent de dégager sur un hectare deux groupes de constructions où s’agglutinent 8 à 10 cabanes longilignes à absides dont les murs épais ont pu protéger des dépôts riches en vestiges (outillage en silex et en os, parures, céramiques). Chantiers et études sont effectués en relation avec l’archéologue J.-L. Roudil (CNRS-Montpellier, 1932-2016) et la Société Languedocienne de Préhistoire qui va gérer et animer ce qui devient l’archéo-site de Cambous en 1976, pôle d’animation culturel et scientifique accueillant chaque année quelques milliers de visiteurs dont un tiers de scolaires, et divers programmes de recherches (reconstitution d’un habitat en 2008, travail des silex et des céramiques depuis 2010, métallurgie du cuivre depuis 2018). 

Professeur en 6e de transition au collège Saint Jean-Baptiste de la Salle, Frère Henri Canet se fait aider par des amis bénévoles, fonde un club archéologique et emmène avec sa 2CV des petits groupes d’élèves les mercredis et samedis pour les initier à l’exploration scientifique.

Auteur d’articles de référence, guide et conférencier apprécié, le Frère Henri demeure jusqu’à son départ de Montpellier en 2001, l’autorité morale et familière du site de Cambous. 

Dans le champ de l’éducation à la recherche historique et scientifique, l’archéologie est une école de rigueur permettant d’acquérir quelques-unes des clés de la fabrique de l’histoire. Elle bénéficie de cet élan immodéré que suscite l’idée de « chasse au trésor », qu’elle discipline en mettant l’imagination au service de l’intelligence des sociétés anciennes. Clubs, sorties et séjours archéologiques scolaires, en rendant le lointain passé plus familier permettent aussi de mieux apprivoiser le présent !

Bruno Mellet


Éléments de bibliographie

  • CANET (H.). - Éléments de connaissance sur la technique de construction de l’habitat fontbuxien de Cambous à Viols-en-Laval (Hérault). In : L’évolution de la construction à sec dans l’habitat en Languedoc du Néolithique à la période contemporaine. Journées d’étude de Viols-le-Fort, 1982. 1983. p. 34-37 (L’architecture vernaculaire, suppl. 3).
  • CANET (H.). - Le Village chalcolithique de Cambous à Viols-en-Laval, Hérault : la cabane III, Archéologie en Languedoc, tome 3, 1988, p. 83-103.
  • CANET (H.) et ROUDIL (J.-L.). - Le village chalcolithique de Cambous (Viols-en-Laval, Hérault). Gallia Préhistoire, XXI, 1, 1978, p.143-183
  • CANET (H.) et ROUDIL (J.-L.). - Cambous : village préhistorique, Viols-en-Laval Hérault. Montpellier, SLP, 1992. 35p.