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L'histoire des Frères au Mexique
Février 2023
Alors que la congrégation avait déjà, au XIXe siècle, quelques écoles en Amérique du Sud (Équateur, Chili, Argentine, Colombie et Panama), il faut attendre 1905 pour que le Supérieur général envoie des Frères au Mexique. Pourtant, entre 1866 et 1904, plus de dix demandes étaient arrivées à la Maison généralice à Paris pour que la Congrégation s’implante dans le pays. Faute de personnel suffisant, les Supérieurs généraux avaient dû décliner ces demandes.
La loi du 7 juillet 1904 va changer la donne. Les écoles françaises lasalliennes ferment successivement : les Frères doivent s’exiler pour poursuivre leur apostolat. Le Mexique accueillera ces religieux mais leur histoire ne sera pas de tout repos…
Des débuts florissants rapidement freinés (1905-1914)
Le 4 novembre 1905, dans le port du Havre, c’est le départ des quatre religieux pionniers qui fouleront les côtes mexicaines :
► Frère Jébert (Pierre Gibert, 1855-1919), fondateur du District,
► Frère Amédée-François (Louis Vincent, 1880-1944),
► Frère Adrien-Marie (Charles Astruc, 1860-1914), tué en 1914,
► Frère Antoine-Claude (Louis Carel, 1885-1962).
Neuf jours de traversée sur le transatlantique Savoie jusqu’à New York, puis direction La Havane où le 25 novembre, dans le vapeur américain Vigilance, ils lèvent l’ancre pour Veracruz. Le 4 décembre 1905 les quatre Frères arrivent dans la ville de Puebla, berceau de l’Institut au Mexique, terminus d’un long voyage commencé un mois auparavant.
Quelques figures parmi les premiers responsables au Mexique
Dès 1906, les Frères s’installent
- dans la région de Puebla, dans les villes de Puebla (1906-1912) et Acatzingo (1907-1912) ;
- dans la région centrale à Morelia (1907-1914), Querétaro (1907-1914) et Zacatecas (1908-1914) ;
- dans la région du nord à Saltillo (1907-1914), Monterrey (1908-1914) et Torreon (1911-1914) ;
- et dans la région de la capitale à Mixcoac (1910-1914), Mexico (1910-1914) et Toluca (1910-1914).
Mais 1910 voit les débuts de la Révolution mexicaine. Une vague anticléricale et antireligieuse s’abat sur le pays en 1914. Les Frères de Monterrey sont arrêtés en mai. À Zacatecas deux Frères (Adolphe-François et Adrien-Marie) sont fusillés dans la montagne le 25 juin 1914. En août les Frères de Querétaro sont expulsés. Avec la situation en Europe qui s’aggrave, le Frère Visiteur Nicéas-Bertin décide de fermer les écoles du reste du pays et fait envoyer les Frères (au nombre de 183) à Cuba.
Reprise chaotique des écoles dans la région de la capitale (1920-1937)
Évolution politique et éducative
Le Mexique postrévolutionnaire est avide de découvrir sa nouvelle identité. Il veut créer un État moderne avec des bases solides. Plusieurs présidents se succèdent : général Alvaro Obregon (1920-1924), général Plutarco Elias Calles (1924-1928), Emilio Portes Gil (1928-1929), Ing. Pascual Ortiz Rubio (1929-1932) et général Abelardo L. Rodriguez (1932-1934). La stabilité revient mais les attaques contre l’Église ne tardent pas à réapparaître. Une partie de la population mexicaine, rurale et catholique, se soulève contre le gouvernement lors de la guerre des Cristeros (1926-1929).
En 1934, il y a un changement politique. Le nouvel élu est le général Lázaro Cárdenas, il terminera l’œuvre de son prédécesseur, Calles, et mène une grande politique d’expropriations.
Dans ce climat incertain, commencent des réformes liées à l’Éducation :
► incorporation des écoles particulières avec privilèges et obligations à l’Éducation secondaire officielle dès 1927 ;
► laïcisme dans les écoles à partir d’octobre 1932 ;
► décret obligeant les professeurs à posséder le diplôme de l’École Normale et début de la coéducation en 1933.
Le 13 décembre 1934, parait la loi qui modifie l’Article 3 et l’Éducation passe de « laïque » à « socialiste ».
Le retour des Frères
En 1919, 12 Frères retournent au Mexique sur demande du ministre des Affraires étrangères, Aristide Briand. Ils s’installent à San Borja (Mixcoac) en 1920 puis rouvrent d’autres établissements, durant quelques années, à proximité de la capitale : Zacatico (Mixcoac) et collège La Salle (Mexico). Ils sont frappés par la loi de 1934 sur l’école socialiste ; les bâtiments sont nationalisés. Dès lors, une nouvelle organisation s’établit, les anciennes écoles se reforment dans de nouveaux locaux sous le nom E.P.C. « École préparatoire et commerciale », rue Lucerna, n° 29 en décembre 1935.
Dès lors, une nouvelle organisation s’établit, les anciennes écoles se reforment dans de nouveaux locaux sous le nom E.P.C. « École préparatoire et commerciale », rue Lucerna, n°29 en décembre 1935.
Puebla, berceau lasallien du Mexique, reprend doucement force à partir de 1933. D’autres demandes d’ouvertures d’écoles affluent des régions mexicaines mais certaines contraintes n’ont pas permis qu’elles aboutissent.
Les maisons de formation des Frères, qui ont été implantées au Mexique lors de la première période (1905-1920) reviennent temporairement au Mexique entre 1930 et 1936, avant d’être nouveau déplacées hors du pays par le gouvernement de Cardenas, à partir de 1934.
Développement des œuvres lasalliennes
1937, voit le retour des Frères dans les autres régions mexicaines. Il y a tout d’abord Saltillo où un groupe de 5 Frères venant de Puebla ouvre une école. Il faut surmonter les premières difficultés : trouver des locaux et faire les démarches administratives. S’ensuit une autre fondation, celle de l’Institut français de La Laguna à Gómez Palacio (État de Durango) dont l’année scolaire commence en février 1939. Les collèges de la capitale renaissent rapidement : Collège Cristóbal Colón, Sadi Carnot et le collège « Simón Bolívar ».
Pour finir, en 1942, un collège est réinstallé à Monterrey dénommé Institut Regiomontano et un autre est fondé à Guadalajara (État de Jalisco) en 1944, il porte le nom « Francisco Febres Cordero ».
À partir de 1940, l’œuvre lasallienne au Mexique entreprend sa période d’épanouissement. Dans le même temps, le général Manuel Camacho, nouveau président, opte pour une politique « d’union nationale » et la mise en œuvre « d’un gouvernement pour tous ». Il travaille activement sur la question de l’Éducation en réforme l’Article 3 pour une politique éducative plus cohérente (1945).
Voici le texte de cet article revu :
« L’éducation que proposent l’État, la Fédération, les États, les communes, tendra à développer harmonieusement toutes les facultés de l’être humain et renforcera en lui, en même temps, l’amour de la patrie et la conscience de la solidarité internationale, dans l’indépendance et la justice ».
« Garantie par l’Article 24, la liberté de croyances, le critère qui orientera cette éducation restera complètement étranger à toute doctrine religieuse et basé sur les résultats du progrès scientifique, luttera contre l’ignorance et ses effets, la servitude, les fanatismes et les préjugés.
De plus, elle sera démocratique, elle sera nationale et contribuera à une meilleure convivialité humaine… »
Dans cet esprit conciliateur, l’œuvre lasallienne mexicaine va vivre sa résurrection pour étendre son influx rénovateur en beaucoup de régions du pays. Si pendant la décennie 1950, selon les économistes, le Mexique va vivre son « décollage économique », l’œuvre lasallienne commencera aussi son « décollage » de prospérité qui se poursuivra, irrépressible, pendant un quart de siècle.
Cette histoire, grandement résumée, est extraite des deux premiers volumes de Frères au Mexique, déjà consultables à partir de la page des publications. Le troisième volume, de 1947 jusqu’en 1986, vient compléter la collection.
Cette histoire, publiée à Mexico en 1982, est l'œuvre des Frères Bernard-Alphonse Grousset et André Meissonnier. La traduction en français a été réalisée par le Frère Léon Lauraire.
L’Institut des Frères des Écoles chrétiennes est aujourd’hui bien implanté au Mexique et il a su développer un réseau d’écoles et d’universités lasalliennes très important.
Magali Devif