Après avoir travaillé sur la cause du Fondateur, les Supérieurs généraux ont eu le souci de conserver la mémoire de l’Institut, notamment en adressant des recommandations aux Directeurs pour renseigner, rechercher, illustrer l’histoire des communautés et écoles. Ce souci, présent depuis les origines, est une bénédiction pour nos archives qui conservent aujourd’hui encore, en grande partie, ces matériaux. Ce processus de collecte se perpétue de nos jours, avec l’envoi chaque début d’année du « Supplément à l’historique ».
Le travail de recherches est lancé officiellement par le Frère Philippe, Supérieur général, dans la circulaire n°152 du 15 janvier 1847 : « vous apprendrez avec plaisir que nous nous occupons de rédiger les annales de l’Institut, et que vous voudrez bien nous faciliter l’exécution de cet important travail en nous procurant les documents qui intéressent soit l’Institut en général, soit les diverses communautés dont il se compose. »
Frère Lucard (Jean-Baptiste Larronde, 1821-1895), archiviste et historiographe, est chargé dès les années 1860 « de commencer d’importants travaux, nécessitant de nombreux voyages et de patientes recherches, relativement […] à la rédaction des Annales de l’Institut. ».
Ce travail est publié en 1883 et comprend deux tomes :► « Depuis les origines jusqu’à son approbation par le pape Benoît XIII (1679-1725) » ► et la suite « […] jusqu’à son rétablissement en France (1725-1803) ».
La préface précise que « c’est au vénérable de la Salle que remonte l’idée de composer les annales […] ; c’est lui, qui, après avoir créé son œuvre, en a raconté le premier l’origine et les commencements ». Cet ouvrage est une première approche mais « Lucard ne cite pas toujours ses sources ; il tronque et, trop souvent, il accommode le texte »
À la toute fin des années 1920, le projet d’écriture de l’histoire des Frères est relancé et cette fois, le choix du rédacteur se porte sur un laïc qui a déjà travaillé sur plusieurs ouvrages lasalliens : M. Georges Rigault (1885-1956). Il est engagé fin 1934 comme historiographe de l’Institut. Sa monumentale Histoire générale de l’Institut de Frères des Écoles chrétiennes en 9 tomes, est éditée entre 1937 et 1953. Un dernier volume, terminé peu de temps avant sa mort, paraît seulement en 1991, c’est le premier numéro d’Études lasalliennes : « Le temps de la sécularisation, 1904-1914 ».
Son travail fouillé a nécessité de nombreux déplacements dans les communautés, les services d’archives (congrégation, diocèses, publiques) et à l’étranger notamment pour écrire les tomes sur l’expansion de l’Institut. Son histoire générale reste aujourd’hui une référence mais difficilement accessible pour une première approche de la congrégation.
Pour continuer l’œuvre de Georges Rigault, il a été demandé, au printemps 1960, au Frère Alban (Frère Léonor-Alban, Julien Alban Hayet-Lahorgue, 1882-1970) de préparer une Histoire de l’Institut hors de France. Ce travail de 850 pages, qui court sur la période 1700-1966, est terminé en 1969.
Ajoutons à cela, le manuel Précis d’Histoire de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes publié par la Procure générale à Paris en 1935, qui « fait partie de la série des ouvrages destinés à la préparation des examens d’Instruction religieuse en usage dans la Congrégation. »
Sans oublier, le travail mené par le Frère Yves Poutet (1920-2009) (voir le document du mois d’octobre 2017), lui aussi historien de l’Institut, qui a réalisé des « Recherches sur la genèse de l’œuvre scolaire et religieuse de Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719) » dans sa thèse Le XVIIe siècle et les origines lasalliennes, éditée en 1970 en 2 tomes.
La collection « Études lasalliennes » a été créée dans les années 1990 pour répondre à cette demande. Frère Henri Bédel (1927-2017), licencié en histoire et géographie doit résumer cette Histoire en plusieurs tomes, d’environ 200 pages, intitulés Initiation à l’histoire des Frères des Écoles chrétiennes. L’objectif est clair : « C’est le travail d’un historien, soucieux de permettre à ses lecteurs un contact aussi exact que possible avec les documents fondateurs […] capable de toucher un large public cultivé, notamment de Frères et de Laïcs lasalliennes. ».
Pour faire l’histoire de l’Institut, il faut au préalable conserver les documents sur les Frères, les communautés, les écoles, les Districts. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, il est constamment rappelé dans les circulaires instructives et administratives adressées aux Directeurs
« de tenir en bon état le registre historique de leurs maisons ; ce registre doit contenir : 1. L’époque de l’ouverture de l’établissement ; 2. Par combien de Frères et de classes on commença ; 3. Par qui les Frères furent appelés ; 4. Les particularités qui y ont eu lieu ; 5. Ses progrès ; 6. Le nombre des classes actuelles ; 7. S’il y a des fondations, par qui elles ont été faites, etc., etc. On doit y inscrire successivement tout ce qui peut être de quelque intérêt. »
Par la suite, doivent être ajoutés des éléments complémentaires comme les plans des locaux, le coutumier, les horaires et surtout conserver comme pièces d’archives « les correspondances…, les exemplaires des journaux, les articles imprimés intéressant l’établissement : prospectus, programmes, comptes rendus, etc. » Avec la loi interdisant les congrégations religieuses en France, le souci de préservation des archives s’est accru. Des directives sont lancées pour réunir les documents historiques des communautés et Districts de France.
Cette préoccupation apparaît dans la circulaire du 15 novembre 1910 du F. Gabriel-Marie.
Mais la tenue du registre historique ou sa mise à jour ne sont pas chose aisée. Il est donc prévu « un complément d’historique de 1910 à 1924 pour chacune de nos maisons » et que « chaque année, à partir de 1925, un supplément d’historique, même format (22x27) relatant les faits de l’année écoulée devra être ajouté à l’état nominatif (jaune) du 31 décembre ». Ce nouveau système permet d’informer annuellement la Maison-Mère et le District de l’activité des communautés. Depuis cette date, ce formulaire – intitulé C2 à partir de 1969 –, est toujours en vigueur au sein de la Congrégation.
Dans nos fonds d’archives des Districts et communautés, sont conservés de magnifiques registres historiques agrémentés de plans dessinés, d’imprimés découpés ou photographies parfois délavées. Ces travaux sont l’œuvre de Frères qui, par passe-temps ou par passion, ont consigné avec une admirable calligraphie, les événements, les noms des directeurs et bienfaiteurs, les lieux d’implantation des écoles…
Nous mentionnons deux rédacteurs chevronnés dont nous connaissons les noms :
► Frère Orbanis (Victor François Crollard, 1830-1919), qui consacre la fin de sa vie à l’écriture des « Notes historiques (avec vues, plans, photographies) et documents sur nos établissements de la région lyonnaise, de 1705 à 1904 ».
Ce travail est composé de 4 registres :
► Frère Eudoxe-de-Jésus (Louis Sylvestre Millet, 1889-1973) est chargé en 1963 de s’occuper des archives du District [de Lille] qu’il organise. Il entreprend de rédiger l’histoire des Frères de la province ; il ajoute ensuite l’histoire de plusieurs communes des environs d’Annappes et reprend plusieurs notices de confrères.
D’autres provinces lasalliennes ont apporté leur pierre à l’édifice, comme le Mexique ou les Antilles, dont les traductions sont disponibles en ligne, dans la page des publications .
Magali Devif