En 1713, Jean-Baptiste de La Salle, en visite dans les écoles du Midi, fait face à de nombreuses difficultés. Cette période de trouble le fait douter du bien-fondé de son action. Il se retire quelque temps, dans un haut lieu de pèlerinage du sud de la France, à l’ermitage de la Sainte-Baume, grotte réputée avoir été le refuge de Marie-Madeleine, amie du Christ. Il reste comme trace de son passage, une plaque commémorative déposée dans la grotte-même le 9 septembre 1950 par un groupe de Frères des Écoles chrétiennes du district de Provence.
Marie-Madeleine, dont l’identité suscite le débat, est présente dans les Évangiles mais, après l’événement de la résurrection, les informations manquent. De nombreux cultes se développent dont celui en Provence, à la Sainte-Baume, d’après une légende remontant au XIIe siècle. Des ossements retrouvés à Saint-Maximin, dans la crypte, sont considérés comme étant ceux de Marie-Madeleine, qui se serait retirée dans ce lieu durant une trentaine d’années. Ces reliques sont conservées par les Frères prêcheurs qui ont été appelés en 1295 à Saint-Maximin.
À une vingtaine de kilomètre de cette ville se situe la grotte de la Sainte-Baume (village de Plan-d’Aups) où Marie-Madeleine aurait terminé sa vie. Cette grotte était gardée par quelques Frères Dominicains du couvent de Saint-Maximin ; à proximité se trouvaient l’ermitage (ou couvent des Frères) et une hostellerie. Ces installations permettaient d’accueillir les pèlerins qui venaient effectuer une retraite ou les exercices et offices des Frères prêcheurs. Jean-Baptiste de La Salle aurait séjourné à l’ermitage pour faire une retraite.
Le Frère Timothée, Supérieur général à partir de 1720, souhaite que soit rédigée une biographie du Fondateur. Plusieurs personnes s’attèlent à la tâche. Il faut attendre 1733 et le travail du chanoine Blain, troisième biographe pour que l’épisode de la grotte de la Sainte-Baume apparaisse. François-Élie Maillefer qui a déjà rédigé un manuscrit en 1723, repend son travail et ajoute la citation du chanoine Blain dans son manuscrit de 1740 en apportant comme précision la visite d’un Frère dans ce lieu de retraite. Les archives ne conservent aucune trace du témoignage de ce Frère.
Un autre document, plus tardif, fait état de ce séjour à la Sainte-Baume : c’est l’attestation du Frère Bernardin (Pierre Martin Ronsin, 1686-1751) qui se trouvait dans le Midi à cette période. Il tenait la 1re classe à Avignon, en 1712, lors du passage de Jean-Baptiste de La Salle. Ensuite, en 1713, il a été nommé directeur à l'école de Mende.
Il est donc un témoin de premier ordre. En 1742, il rédige une attestation dont voici une partie du contenu :
« Certifie à tous qu’il apartiendra, qu’en l’année mil sept cens douze N. T. V. Père Messire Jean-Baptiste de la Salle instituteur des frères des Ecoles Chrestiennes, m’a asseuré de sa propre bouche […] Qu’il a passé quarante jours et plus dans hermitage à quatre lieues de Marseille sans changer de linge, se levant à minuit pour assister à l’office ; […] ce que j’ateste être très veritable, en foi de quoi j’ai signé, fait à Bourg St Andéol ce 6e mai mille sept cens quarante deux.
Ce document d’archives est très intéressant puisqu’il apporte des informations inédites. Cependant, rédigé près de trente ans après les faits, et suite à la rédaction et à la publication des premières biographies, sa fiabilité peut être mise en doute. Cette attestation est aussi écrite durant le processus de béatification du Fondateur, et c’est cette même année, que le Frère Timothée, Supérieur général, certifie le miracle dont il a bénéficié en 1702.
Mises à part les premières biographies de Blain et Maillefer, il faut signaler deux plus récentes, menées à partir de nombreuses sources et études de l’époque.
► Tout d’abord celle du Frère Lucard, historien – auteur de la Vie du Vénérable J.-B. de La Salle, fondateur de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes (1874), rééditée en 1876. Il est le premier à ne pas reprendre textuellement les éléments des premiers biographes (Blain ou Maillefer). Sa recherche est plus poussée, il explore des sources externes à l’Institut et cite les récents travaux de recherche. Sa démarche est plus sérieuse mais les éléments avancés ne permettent pas de confirmer le passage de Jean-Baptiste de La Salle à l’ermitage.
► La deuxième biographie est celle d’Armand Ravelet (1835-1875), avocat et journaliste, qui rédige une Histoire du vénérable Jean-Baptiste de La Salle, fondateur de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes, imprimée en 1874. Tout comme Lucard, il a mené un important travail de recherche dans les archives pour écrire son livre. La liste des sources insérée au début de la 2e édition de son ouvrage en 1874 en est le témoignage. L’auteur meurt un an après la publication, en juin 1875 mais sa biographie est réutilisée pour être publiée l’année de béatification de Jean-Baptiste de La Salle, en 1888.
Cet ouvrage est agrémenté de dessins, plans et lithographies, qui documentent et embellissent le texte. Dans cette version, deux dessins réalisés par Thadée illustrent l’épisode de la Sainte-Baume et sont mentionnés comme « illustrations documentaires ». L’un représente l’intérieur de la grotte et l’autre une bâtisse où se serait arrêté Jean-Baptiste de La Salle. Ces dessins datent vraisemblablement des années 1880 et ne reflètent pas les lieux de 1713, la Révolution française ayant entraîné le saccage de la grotte puis son réaménagement, de même que ceux de l’ermitage et de l’hostellerie qui se trouvent en contrebas de la falaise.
Même si les sources et les études menées sur Jean-Baptiste de La Salle ne permettent pas de confirmer son passage à la Sainte-Baume, les Frères de l’ancien District de Provence ont maintenu encore jusqu'au milieu du XXe siècle un pèlerinage dans ce lieu.
Le 20 septembre 1950, ils ont fait apposer sur une plaque l'inscription dont le texte est présenté dans l'image ci-dessous.
Ce document est un résumé de l'article détaillé et illustré que vous pouvez découvrir : Jean-Baptiste de La Salle et la Sainte-Baume.
Magali Devif
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