Les 17 et 18 septembre 2022, les fêtes de la paroisse et du Frère Mutien se sont déroulées à Malonne. C’est l’occasion de découvrir ce lieu lasallien, à la fois établissement scolaire et siège de la tutelle lasallienne en Belgique. C’est là que vécut le Frère Mutien-Marie, humble frère, béatifié et canonisé, qui fait l’objet d’un pèlerinage dont le sanctuaire a été construit dans les années 1980.
Allons donc à la découverte de ces trois entités : la ville, le Frère et le sanctuaire.
Commune de Belgique située à l’ouest de Namur, Malonne serait née dans les années 600, grâce à un évêque anglo-saxon (ou irlandais), Berthuin, qui fonde un monastère. Les bâtiments, pendant un temps abandonnés, sont repris au XIIe siècle par l’Ordre des chanoines réguliers de saint Augustin et deviennent une abbaye jusqu’en 1797, date de vente.
L’Institut des Frères des Écoles chrétiennes s’y installe en novembre 1841 pour tenir une École normale primaire, l’Institut Saint-Berthuin. Depuis cette date, d’autres écoles de Frères s’implantent dans les locaux et aux alentours.
Rappelons que l’Institut Saint-Berthuin doit sa fondation à Mgr Dehesselle, évêque de Namur, et au chanoine Théodore de Montpellier, qui devint évêque de Liège. Ces deux prélats créent donc en 1837, la première École normale fondée en Belgique depuis 1830, dont ils confient la direction aux Frères des Écoles chrétiennes. Installée d’abord à Namur, rue Verte, puis, trois ans après, au château de Harlue, l'École est définitivement établie, le 3 novembre 1841 à Malonne, dans l’ancienne abbaye des Augustins. À la même date, les cours professionnels, dénommés aujourd’hui "Humanités", sont organisés et un pensionnat est ouvert.
► Frère Marianus (Antoine Arens, 1828-1888) invente l’arithmomètre en 1872 : système d’objets destiné à l’enseignement intuitif de l’arithmétique élémentaire. Il reçut pour cela de nombreuses récompenses et le gouvernement belge imposa ce système dans toutes les écoles normales du pays.
► Frère Mémoire (Jean-Joseph Piron, 1812-1886) poursuit les recherches en géométrie plane et en perspective et développe le procédé intuitif dans son cours de projections. Il articule sa méthode en 3 points : géométrie plane, projections élémentaires applications pour les travaux ordinaires, perspective parallèle et proprement dite.
► Frère Macardus (Adolphe Joseph Deberque, 1816-1899), professeur de physique chimie a travaillé avec son élève Ernest Solvay à la création de la soude Solvay. Ce Frère est aussi à l’origine d’un système de poulies et contrepoids pour actionner l’horloge de l’Institut ainsi que l’installation d’une machine à vapeur et d’une centrale électrique dans les bâtiments dès 1890.
► Frère Maubert (Jean-Joseph Sty, 1816-1881) est l’auteur du premier herbier de l’Entre-Sambre et Meuse tandis que Frère Marcel-Eusèbe (Joseph Bertrand, 1876-1962) est celui de la première flore de Belgique.
► Et, un ancien élève de Saint-Berthuin, Frère Alexis-Marie (Jean-Baptiste Joseph Gochet, 1835-1910), s’est illustré dans le domaine de la géographie. Il est le premier, en 1866, à avoir publié des cartes murales scolaires de Belgique et d’Europe.
Il ne faut pas oublier le saint Frère associé à Malonne, Frère Mutien-Marie.
Louis Joseph Wiaux est né à Mellet dans le Hainaut (Belgique) le 20 mars 1841. Fils de Jean Joseph Wiaux, forgeron, et Élisabeth Badot, il est le 3e enfant sur les 6 que compte la famille. Les Wiaux étaient d’une grande religiosité : récitation des prières et du chapelet, assiduité à la messe quotidienne. C’est de là que le jeune Louis Joseph prendra goût à la prière.
Il rentre au Noviciat des Frères de Namur le 7 avril 1856 et prend l’habit le 1er juillet 1856 et le nom de Frère Mutien-Marie. Il débute comme novice-employé à l’école Saint-Joseph de Chimay en septembre 1857 puis, un an plus tard, il est nommé à Bruxelles, en la section française de l’école Saint-Georges. Au terme de l’année, il est envoyé à Malonne où il prononce ses premiers vœux le 14 septembre 1859. En 1869, le Frère Mutien demande à être inscrit parmi les candidats à la profession perpétuelle. Il prononce ses vœux définitifs à la fin de la retraite annuelle et en présence du Supérieur général, Frère Philippe, le 26 septembre 1869.
À ses débuts, à Malonne, en 1859, Frère Mutien peine à s’imposer. F. Maixentis, titulaire du cours de dessin et de musique instrumentale, le prend sous son aile pour l’aider dans ses tâches. F. Mutien s’applique et finit par donner satisfaction aux membres de la communauté. Il est chargé de donner des leçons d’harmonium aux débutants. Ensuite, il lui faut apprendre l’orgue, instrument avec lequel il n’était pas à l’aise, puis la flûte traversière avec laquelle il excellait. F. Maixentis lui demande encore d’apprendre à jouer du tuba, de la contrebasse et du bomdardon pour participer aux orchestres ou harmonies de l’école. Dans le même temps, il est chargé des cours de dessin académique : paysage, ornement, tête, personnage ainsi que des dessins d’après plâtre pour les élèves les plus avancés. Il assure le catéchisme aux enfants du village, une à deux fois par semaine durant une quinzaine d’années.
Pour la communauté, entre 1869 et 1892, il est chargé de sonner le réveil à 4 h 30. Il se rend ensuite à la chapelle pour la prière du matin et dès qu’il le peut dans la journée, il y revient. Il prie, égrène son chapelet lors de ses déplacements, dans les salles de classe ou tout autre endroit. Il avait aussi la charge de zélateur de la garde d’honneur du Sacré-Cœur, archiconfrérie établie au pensionnat. Dans des moments plus libres, il parcourait dans le parc, à flanc de coteaux, les allées qui conduisaient à une réplique de la grotte de Lourdes, à l’oratoire de Saint-Joseph ou autres statues et calvaire présents sur la propriété.
Frère Mutien s’est conformé toute sa vie à la Règle des Frères. En novembre 1916, ses forces commencent à décliner. Il meurt le 30 janvier 1917.
Alors que le Frère était encore en vie, beaucoup se recommandaient à ses prières. Après sa mort, les sollicitations au Frère Mutien-Marie continuent. De nombreuses personnes qui l’avaient connu se rendent sur sa tombe au cimetière qui se trouve sur les hauteurs. Le 19 mars 1923, Mgr Heylen, évêque de Namur instituait un tribunal ecclésiastique pour récolter des témoignages sur le Frère Mutien. Comme la tombe n’était pas failement accessible à tous, un premier transfert de corps est réalisé le 11 mai 1926 : du haut de la colline, il est déplacé au pied du clocher de l’église paroissiale.
Le décret d’introduction de la cause du Frère Mutien est signé le 8 juillet 1936 par le Pape et un an plus tard un 2e tribunal ecclésiastique est institué. Le 27 juillet 1938, une reconnaissance canonique de tombeau et du corps du Frère a lieu ; on exhume le cercueil une nouvelle fois. Les pèlerins affluent. Deux guérisons lui sont attribuées : celle de Dominique Scaccia en 1932 et celle de Georges Thibaut en 1953.
Frère Mutien est béatifié le 30 octobre 1977 puis canonisé le 10 décembre 1989.
Un sanctuaire est édifié en 1980 dans l’enceinte de la propriété. La tombe du Frère Mutien est de nouveau déplacée dans une chapelle tout en verre.
Un petit musée et une boutique se trouvent à proximité.
Ce sanctuaire a fait l’objet, en septembre 2022, de quelques travaux d’entretien et d’une ouverture à la dimension internationale avec la présentation de nouveaux visages de Frères dans l'enceinte rénovée :
► Saint Jean-Baptiste de La Salle, Fondateur de l'institut des Frères ;
► Saint Miguel Febres Cordero d’Équateur, enseignant, catéchiste, académicien ;
► Bienheureux Raphaël-Louis Rafiringa de Madagascar, enseignant, formateur de communautés chrétiennes ;
► Saint Bénilde de France, directeur d’école publique ;
► Bienheureux Scubilion Rousseau de l’Île de La Réunion, enseignant, ayant travaillé à l’émancipation des esclaves au XIXe siècle ;
► les 10 saints Frères de Turon en Asturie, Espagne : une communauté entière massacrée par aveuglement idéologique, alors qu’elle était au service des enfants des mineurs de ces régions de pauvreté ;
► Bienheureux Santiago Miller du Guatemala, assassiné en 1984 parce qu’il perturbait les mafias de la drogue par son action éducative.
Magali Devif