Il y a 60 ans – le 8 janvier 1959 – Fidel Castro (1926-2016) prenait le pouvoir à Cuba et enclenchait un processus qui allait conduire à l’expulsion des Frères des Écoles chrétiennes le 25 mai 1961, mettant un terme à une histoire éducative commencée le 10 septembre 1905.
Les Frères s’établissent dans un pays instable profondément marqué par l’esclavage et la spéculation sucrière.
En provenance du Canada, 11 Frères français des Districts de Clermont-Ferrand et de Besançon et 4 Frères canadiens, arrivent à La
Havane pour prendre en main deux établissements en septembre 1905 :
L’arrivée continue de Frères, renforcée par les vocations cubaines ➀ et par la venue de Frères chassés du Mexique entre 1914 et 1930, permet la prise en charge progressive d’autres établissements :
La Maison centrale, comprenant noviciat, scolasticat, maison de retraite et école professionnelle, s’établit à Santa Maria del Rosario en 1952 ➁.
Vers 1914, les Frères de l’Académie puis du Vedado entreprennent la création de centres de catéchistes volontaires lasalliens pour toucher les enfants pauvres dans les paroisses, quelques œuvres éducatives permanentes (asile, maison de correction) ou temporaires (grooms et ramasseurs de balles pendant la saison) : on décomptera, en 1938, 29 de ces centres, animés par 85 Frères et 200 catéchistes œuvrant auprès de 3 200 jeunes catéchisés
➂.
Le rayonnement culturel de l’Académie et du Vedado (un millier d’élèves et 54 Frères dans les années 1930) repose sur des équipes pédagogiques
ayant acquis un haut niveau professionnel dans les domaines commerciaux et scientifiques.
Né à Mesnay (Jura), il part au Canada en 1904, et arrive à Cuba en 1905 ; il fait partie de l’équipe des pionniers.
Ce spécialiste de la flore antillaise fonde le Museum d’histoire naturelle du collège de La Salle.
Il effectuera plus de 300 expéditions d’herborisation et il récoltera près de 24 000 spécimens pour le laboratoire de botanique.
Il est l’auteur, avec le Frère Henri Lioger (1916-2009), de la Flora de Cuba en 5 volumes (1969), et, avec le Frère Marie-Victorin (Conrad Kirouac, 1885-1944) des trois volumes des Itinéraires botaniques dans l’Île de Cuba.
De l’équipe des pionniers également.
En 1928, il fonde la Fédération de la Jeunesse catholique cubaine, mouvement religieux, social et patriotique d’où naîtront de nombreuses vocations et de nombreux leaders, dont certains influenceront la rédaction de la Constitution cubaine de 1940. En 1943, la Fédération compte plus de 300 groupes et 8 000 membres.
Plus tard il crée le Mouvement familial des Mariages catholiques.
Sa forte influence ayant contribué à mettre sa vie en danger, il sera exfiltré par les Supérieurs vers les U.S.A. courant 1961. Durant son exil (Puerto Rico, Saint-Domingue) il restera un trait d’union entre les anciens élèves et les familles cubaines éprouvées. Les démarches en vue de sa béatification sont en cours depuis 1999.
Cuba a payé au prix fort son indépendance d’avec l’Espagne entre 1868 et 1898, obtenue avec l’aide des États-Unis qui vont y développer des intérêts considérables et y exercer une influence déterminante jusqu’en 1962. Après une courte occupation américaine (1899-1902), le régime républicain mis en place va fonctionner tant bien que mal entre 1902 et… 1976.
L’entre-deux-guerres est marquée par la crise sucrière qui provoque révoltes et répressions. L’armée, avec le général Batista, est à la manœuvre entre 1933 et 1958.
Cuba connait une brève période de prospérité entre 1940 et 1952.
Fidel Castro, avocat de formation, s’engage en politique et dans l’action militaire dès l’année 1947. Exilé au Mexique en 1955 avec son frère Raul, il rencontre Ernesto Che Guevara (1928-1967) et organise le renversement de la dictature de Batista. La guérilla, déclenchée fin 1956, aboutit en janvier 1959. Fidel Castro prend les fonctions de chef du gouvernement jusqu’en 1976, année où il préside la nouvelle République socialiste cubaine.
La petite histoire raconte que les frères Castro (Ramon, Fidel puis Raul) ont fréquenté l’école préparatoire du collège La Salle de Santiago de Cuba entre 1935 et 1939
➃.
Ils étaient fils, nés d’un second lit, d’un riche propriétaire terrien de la région orientale.
La « légende » de Fidel pourra se nourrir des anecdotes recueillies par quelques Frères :
- « Intelligent mais fort indiscipliné »,
- « incorrigible bagarreur et continuellement puni »,
- « insupportable à ses professeurs »…
- « un jour, en présence de son père, le Frère directeur lui promet une montre–réveil qu’il avait sur son bureau si seulement il arrivait à ne pas se faire punir pendant quarante-huit heures… le jeune Fidel n’y parvint pas »
➄.
Du Frère Ramousse, Fidel devait dire : « le Frère Directeur, à Santiago, ne m’a pas compris ».
On conseille aux parents de mettre les trois frères dans un autre établissement (chez les Jésuites).
La grande histoire elle, déploie la « révolution castriste » qui organise une vaste réforme agraire dès mai 1959. Après l’année de la Réforme urbaine où, parallèlement, se développent les tensions avec l’Église catholique, vient l’année de l’éducation qui va aboutir à la nationalisation des écoles privées le 1er mai 1961.
En 1960, les statistiques indiquaient la présence de 14 communautés et autant d’écoles avec 134 Frères au service de 5 000 élèves. 56 ans d’engagement éducatifs s’arrêtent là. Confrontés à des persécutions croissantes depuis janvier 1961 les supérieurs avaient anticipé en évacuant les 48 jeunes en formation vers le Honduras, Costa Rica et Panama.
Décision est prise par l’Institut de rapatrier tous les Frères réfugiés ou internés ici et là. Après bien des péripéties, 109 Frères (cubains,
mexicains, canadiens et français) prendront l’avion pour Miami le 25 mai 1961.
Parmi eux, 17 Frères français rentrent définitivement en France.
Seuls 4 Frères restent à Cuba, dans les faubourgs de La Havane
➅.
Environ 350 établissements congréganistes ont été nationalisés. La plupart des bâtiments garderont leur vocation scolaire.
Bruno Mellet
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