Les Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne

Avril 2018

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Un succès de librairie : au moins 30 éditions avant la Révolution

Grâce à la générosité perspicace d’un ancien élève, M. Charlon, d’Ajaccio, nos archives sont entrées en possession d’une édition de 1782 (Reims, chez Piérard) d’un ouvrage de Jean-Baptiste de La Salle :

Les Règles de la Bienséance
et de la Civilité chrétienne

(que nous citons comme "RB").

Cette édition s’ajoute à quantité d’autres conservées au British Museum, à la Bibliothèque nationale de France et aux archives des Frères.

Les caractéristiques

La page de titre du livre (Cliquer pour agrandir)

Le livre comprend :

  • une introduction dont les pages sont numérotées de I à V,
  • une page intitulée "Avertissement" suivie de l'alphabet
  • puis le texte qui compte 206 pages avec la table finale.

Ses dimensions :
  - hauteur : 165 mm,
  - largeur : 112 mm.
On peut noter que toutes les parties ou chapitres se suivent sans espace.


Selon les biographes de M. de La Salle, c’est le livre ‟qu’il a le plus travaillé”.
Il l’a fait imprimer à Troyes chez François Godard en 1703. Il s’inscrit dans une longue tradition, car il a utilisé, et retravaillé au besoin, des livres de Civilité qu’il avait sous les yeux. « Après la Bible, les traités des bonnes manières d’Érasme de Rotterdam et de saint Jean-Baptiste de La Salle semblent être les best-sellers de l’histoire du livre », écrit Bertrand Gaumont Flavigny dans Historia de juillet 1991.

Décoration de titre

Un manuel scolaire inhabituel

Ce succès de librairie s’explique, non seulement par son contenu, mais par le fait que c’est un livre utilisé pour apprendre à lire des manuscrits.

L'alphabet

Selon une tradition établie pour l’édition lyonnaise du livre d’Érasme, les livres de savoir-vivre seront longtemps imprimés en caractères spéciaux imitant l’écriture manuelle française, abusivement appelés caractères "gothiques".

Ceci explique les éditions et rééditions de RB "À l’usage des Écoles chrétiennes des Garçons" – ce qui n’empêchera pas des éditions "pirates" "À l’usage des Écoles chrétiennes de Filles" ou, non spécifiques, "pour l’instruction de la jeunesse".

De son vivant, Jean-Baptiste de La Salle en fera faire 3 rééditions à Paris et Rouen. Bientôt, pour faciliter l’apprentissage de cette lecture difficile, on fera précéder le livre d’un tableau de l’alphabet majuscule et minuscule, comme on peut le voir sur la reproduction.

Voici ce que dit la Conduite des Écoles chrétiennes (CE) de l’utilisation du manuel de Civilité :

« Lorsque les écoliers sauront parfaitement lire, tant dans le français que dans le latin, on leur apprendra à écrire, et dès qu’ils commenceront à écrire, on leur enseignera à lire dans le livre de la Civilité. Ce livre contient tous les devoirs tant envers Dieu qu’envers les parents, et les règles de la bienséance civile et chrétienne. Il est imprimé en caractère gothique plus difficile à lire que les caractères français. » (CE 3,9,1-2).

On remarquera que cette description ne correspond pas exactement au livre de M. de La Salle, car il n’y parle pas spécifiquement des devoirs envers Dieu et envers les parents, même si des éditions ultérieures y ajoutent un chapitre sur la manière de se bien tenir dans les églises.

Un livre spirituel, également

Par contre, ce livre s’inscrit parfaitement dans la perspective d’éducation chrétienne de M. de La Salle. Selon ses biographes, aux préceptes de ses prédécesseurs, il ajoute, "pour preuves, des exemples tirés de l’Écriture sainte et des Pères de l’Église", notamment pour les "visites" en suivant l’exemple de Marie saluant Élisabeth, les "conversations" comme celle des disciples d’Emmaüs.

La table : première partie

Contrairement à beaucoup d’auteurs du XVIIIe siècle, il croit que la vraie politesse naît d’un cœur respectueux de la dignité des autres (RB 0,0,6).
S’appuyer sur une autre motivation serait une erreur éducative qu’il dénonce nettement :

« Toutes nos actions extérieures – qui sont les seules qui peuvent être réglées par la bienséance – doivent toujours avoir et porter avec soi un caractère de vertu. C’est ce que les pères et les mères sont obligés de considérer dans l’éducation de leurs enfants, et c’est à quoi les maîtres et maîtresses, chargés de l’instruction des enfants, doivent faire une attention particulière.

Ils ne doivent jamais, en leur donnant des règles de bienséance, oublier de leur enseigner qu’il ne faut les mettre en pratique que par des motifs purement chrétiens, et qui regardent la gloire de Dieu et le salut ; et, bien loin de dire aux enfants dont ils ont la conduite, que s’ils ne font pas une telle chose on les blâmera, qu’on n’aura pas d’estime pour eux, qu’on les tournera en ridicule – qui sont toutes manières qui ne sont bonnes qu’à leur inspirer l’esprit du monde et à les éloigner de celui de l’Évangile – lors donc qu’ils voudront les porter à des pratiques extérieures qui regardent le maintien du corps et la seule modestie, ils auront soin de les y engager pour le motif de la présence de Dieu... » (RB 0,0,3-5)

Un extrait de texte

On peut faire remarquer que, selon les habitudes de l’époque, les premières éditions n’indiquaient pas le nom de l’auteur encore vivant.

Petit élément décoratif

C’est pour l’édition Oursel de Rouen (1729) que le Frère Timothée, Supérieur général des Frères, précise que
   "Les Règles de la bienséance
     et de la Civilité chrétienne"

n’est pas l’œuvre d’un auteur anonyme, comme certains pourraient le penser :
« Ce serait priver M. de La Salle du fruit de son travail et de la louange qui lui est si justement due » (cité en Cahier Lasallien 19, VI).

Le nom de Jean-Baptiste de La Salle figurera désormais dans toutes les éditions, jusqu’à la 126e en 1875.

Frère Alain Houry

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