Le Frère Imier-de-Jésus (Antoine Lafabrège, 1855-1927), est entré chez les Frères des Écoles chrétiennes en 1869 à Rodez.
Il a enseigné durant une vingtaine d'années avant de prendre la direction des écoles de Châteauroux et Moulins.
Il devient Visiteur (Provincial) en 1896 puis Assistant du Supérieur général en 1907.
Il est élu Supérieur général au Chapitre général de 1913.
Le Supérieur logeait à la Maison généralice, située à Lembecq en Belgique depuis 1905.
La guerre venue, et la Belgique occupée, il doit venir se réfugier à Paris.
Le conflit coupe en partie la communication entre le Supérieur général et les Frères, présents dans différents pays. Il essaye tout de même de rester en contact avec les Frères engagés dans le conflit ou ceux qui sont touchés par les combats.
Il va, par le biais de la Lettre aux Frères-soldats, continuer à garder le lien avec les combattants, en leur fournissant des nouvelles des Frères et de l'Institut et en leur prodiguant des recommandations et avis sur les devoirs religieux.
La Lettre aux Frères-soldats
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est un petit feuillet constitué généralement de 4 pages mais pouvant, pour certaines, comprendre 8 pages.
Elle était imprimée sur le même format que les circulaires destinées habituellement aux communautés.
La première lettre est datée du 2 février 1915.
La provenance est l'adresse de l'ancienne Maison-Mère en France : le 78, rue de Sèvres à Paris.
La parution de ces lettres semble mensuelle mais n'est pas toujours régulière. Les lettres sont publiées durant toute la période du conflit et s'arrête avec celui-ci puisque que la dernière lettre conservée date du 1er octobre 1918.
Sources documentaires à part entière, ces lettres témoignent de la participation des Frères au conflit armé dans divers services.
Elles mettent surtout en avant les recommandations du Frère Supérieur. Celles-ci consistent à remplir les obligations de leur vocation religieuse, même dans les circonstances exceptionnelles qu'ils rencontrent.
Plusieurs d'entre vous ont exprimé le désir que nous leur adressions quelques avis sur les devoirs des religieux de leur situation actuelle. Nous le ferons d'autant plus volontiers, bien chers Frères Soldats, que nous croyons remplir ainsi une des obligations que nous impose notre sollicitude pour vous.
La vie que vous ont faite, pour un temps, les circonstances que nous traversons, n'est certes plus la vie simple et régulière de la Communauté religieuse, mais une vie toute nouvelle, et qui extérieurement, paraît n'avoir avec l'autre que la ressemblance du sacrifice et de l'obéissance. Et toutefois, bien chers Frères Soldats, par votre vocation même, vous demeurez toujours des religieux assujettis, non seulement, comme camarades, aux devoirs du soldat chrétien, mais encore à ceux qui résultent pour vous des promesses faites à Dieu et à votre Institut. […]
La plupart des Frères Soldats se trouvent dans le service armé ; un certain nombre sont distribués dans les divers services auxiliaires. Aux uns et aux autres nous donnerons, d'abord, quelques avis qui leur conviennent également.
On sait que vous êtes religieux. N'essayez point, Frères Soldats, de le dissimuler, sous prétexte de prudence. Au besoin, dites-le vous-mêmes en toute simplicité ; vous n'en serez que plus appréciés.
Mais que ce soit pour un motif de faire toujours et en tout, honneur à votre caractère de religieux. Gardez fidèlement vos vœux. Faites vos prières et vos exercices de piété, sans ostentation, mais sans respect humain : quelques-uns souriront peut-être, d'autres vous imiteront. Que vos paroles soient toujours dignes d'un religieux. Sans vous faire moralistes, sachez à l'occasion donner un bon conseil.
Frères Soldats appliqués au service armé, faites particulièrement honneur à votre qualité de religieux, témoignant, en toute circonstance, de votre foi, de votre courage, de votre patriotisme.
Il y aura un poste à garder, une attaque à repousser, une tranchée à défendre ou à conquérir, il faudra prendre part à quelque engagement, courir de graves devoir. Invoquez l'assistance de Marie, notre Mère ; donnez votre cœur à Dieu, et pour Dieu et pour la Patrie, sachez combattre en vaillants. Déjà plusieurs de nos bien-aimés Frères ont versé leur sang sur les champs de bataille. Ils avaient offert à Dieu le sacrifice de leur vie. Dieu sera lui-même leur récompense ; il rétribuera dans le ciel leur héroïque mort. [...]
Plus d'une fois, ces Frères Soldats auront à faire preuve de patience et de bonne volonté. Marches longues et pénibles, manœuvres quotidiennes, sommeil sur des couches sommairement improvisées, ... qu'ils offrent tout à Dieu pour le triomphe de sa cause et pour la prospérité de l'Institut.
Un certain nombre de nos Frères Soldats ont été attachés à divers emplois dans les services auxiliaires. Les uns prêtent leur concours dans des manufactures d'armes ou de munitions, dans des ateliers d'habit militaire. D'autres reçoivent des missions particulières : convoyer des trains destinés à l'armée ; servir de secrétaires, d'interprètes,...
Frères brancardiers, votre mission est grande entre beaucoup. Vous avez à recueillir ceux qui ont succombé dans le combat, les glorieux blessés tombés sur le champ d'honneur, et qui attendent une main secourable pour en recevoir les soins les plus urgents. [...] Frères brancardiers, soyez saintement fiers de votre sublime ministère. Souvenez-vous de vos devanciers, le vénéré Frère Philippe, déjà octogénaire, donnant aux siens l'exemple, à Champigny ; le jeune Frère Néthelme, frappé à mort à la bataille du Bourget. [...]
À nos vœux pour nos chers blessés, nous joignons ceux non moins ardents que nous formons pour nos Frères faits prisonniers, et, pour un temps encore obligés de rester sur la terre étrangère. [...]
Votre très humble et dévoué serviteur,
Frère Imier-de-Jésus
Magali Devif
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