Jean-Baptiste de La Salle, prêtre de Reims, avait renoncé en 1683 à sa situation de chanoine et distribué la quasi-totalité de son patrimoine aux pauvres (1684-1685).
Il s’agit désormais, pour lui, de vivre avec les maîtres d’école qui se sont groupés autour de lui, et de vivre dans la même précarité qu’eux. Cette proximité est nécessaire pour les former de l’intérieur à leur mission : enseigner gratuitement et initier à la vie chrétienne les enfants pauvres.
En 1686, il se trouve à la tête, non seulement de trois écoles de Reims mais aussi de celles qui se sont ouvertes à Laon, Guise et Rethel : une quinzaine de maîtres en tout.
Il n’est plus possible de vivre tous ensemble : il faut des signes fédérateurs qui les désignent, à eux-mêmes et à ceux qui les rencontrent, pour ce qu’ils sont.
- Ils ne sont pas prêtres,
- ils élaborent une manière d’entrer en relation fraternelle, à la fois proches des milieux pauvres où ils sont insérés, et différents par la radicalité de leur engagement évangélique.
Lors d’une réunion où ils choisissent le nom de Frères des Écoles chrétiennes, ils veulent adopter un habit commun.
Ils s’en remettent à la sagesse de M. de La Salle.
Durant l’hiver 1686, le maire de Reims lui conseille de doter les maîtres d’un manteau pour les protéger du froid, comme la "capote" à manches flottantes que portent les paysans de la région : noir. Ce sera le manteau des Frères.
Dessous, une "robe" noire fermée par le devant par des agrafes, et le rabat blanc, le tricorne noir et de gros souliers : voilà l’habit qui a pris forme.
Surprise et moqueries de la part des gens devant ces "Frères quatre bras".
Avec le temps, on conviendra que leur habit correspond parfaitement à son objectif : arrivant mi-jambe, il laisse une grande liberté de mouvement ; noir, il impressionne les enfants et impose une attitude de respect.
Le décès prématuré de Frères risque de mettre en péril l’une des écoles de Reims : Jean-Baptiste de La Salle quitte sa soutane et son manteau de prêtre, et revêt l’habit de Frère quand il lui faut faire la classe aux enfants pauvres. On passerade l’étonnement à l’admiration.
À Paris, le curé de la paroisse veut, en 1690, supprimer la "capote", tout juste bon pour la campagne, et donner aux Frères le manteau ecclésiastique . M. de La Salle refuse et compose un Mémoire sur l’Habit qui montre la nécessité de conserver l’habit propre aux Frères et en vante les effets :
"Depuis cet habit, on n’a point d’autre idée, lorsqu’on demande à y entrer, que de venir dans une Communauté pour y demeurer le reste de sa vie. On ne sait ce que c’est de demander des gages, et on se croit fort heureux d’y être reçu. C’est l’habit seul qui produit ces effets".
En 1692, M. de La Salle reçoit au Noviciat un jeune homme qui se destine aux emplois matériels : c’est le premier Frère servant, dont l’habit sera identique à celui des autres Frères, sauf qu’il sera brun, "de la couleur des habits des Capucins " ("Des habits des Frères ") – disposition qui sera supprimée après la Révolution française.
Au Frère Gabriel Drolin, seul à Rome, le Fondateur écrit en 1712 : "Est-il vrai que vous portez une longue robe et un long manteau ? Si cela est, comment voulez-vous que fasse un second avec vous, car il faut que les deux soient vêtus de même et portent l’habit de la Communauté " (c’est-à-dire, de l’Institut).
Tableaux, gravures et caricatures ont popularisé l’habit traditionnel porté par des dizaines de milliers de Frères pendant deux siècles et demi.
Le Concile Vatican II demande aux Instituts à revoir leurs coutumes : l’habit traditionnel reste inscrit dans la Règle (avec dérogation possible) mais, après un bref passage au clergyman, le port d’un habit d’Institut est abandonné de fait dans la plupart des pays.
(Frères au Chapitre général en 2014 : à certaines occasions des Frères peuvent choisir de revêtir l'habit traditionnel -
soutane et rabat -. Sur cette photo, le jour de l'élection du nouveau Frère Supérieur.)
Des essais ont été mis en oeuvre dans des régions du monde :
Tous ces signes sont utilisés ici et là, mais aucun ne fait l’unanimité.
Frère Alain Houry